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L'intériorité par le visage

Le regard énigmatique, la mine curieuse, l'innocence d'un enfant, Marina Wolters questionne l'identité pour la révéler dans toute sa douceur à travers le portrait.

Sous les couleurs éclatantes, le visage est saisi comme l'ombre lumineuse de nos souvenirs.

"La peinture fait partie de mon histoire; il y a eu ma mère et mon grand-père avant moi. J'ai voulu rompre en faisant de la sculpture mais la peinture m'a rattrapée."

 

Baignée depuis son enfance dans la peinture, Marina Wolters aborde sa vocation comme une évidence. Petite fille, elle admire les compositions de son grand-père et prend le temps de regarder le monde. Indifférente au principe réactionnaire qui secoue la carrière artistique dans les années septante, elle aborde l'art comme un éveil à la tradition et un métier appliqué à l'apprentissage d'une technique. Elle entame une formation longue et diversifiée qui la fait voyager de l'école supérieure d'Art visuel de Genève à la Corcoran School de Washington pour un perfectionnement en sculpture.

 

Toujours en quête d'apprentissage, elle enrichit ses connaissances par des études de peinture avec Jean-Marc Tosello à l'Ecole d'Art contemporain de Luxembourg, et se forge une opinion sur tout ce qu'elle a étudié. Evenepoel l'émeut, Hockney et Hopper l'intriguent dans leurs recherches de jeunes artistes.

 

Après une introspection intense consacrée au modelage de la matière, elle redécouvre la légèrté du trait et la possibilité qu'offre la peinture à s'ouvrir à la transparence et à la lumière. Le maniement simple de pigments vifs et purs d'un Velázquez et d'un Manet est pour elle une révélation. Elle aime la vibration des couleurs incandescentes et les utilise comme un nouveau moyen de jongler avec réalité et artifice.

Des verts froids aux explosions de rouges, la palette est souvent arbitraire, de manière à accentuer la charge émotionnelle et la modernité de l'ensemble.

 

Assez naturellement, Marina Wolters va portraiturer ceux parmis lesquels elle vit; sa famille, ses amis, tous se sont laissé capter par le trait. Elle réalise pourtant quelques autoportraits, mais c'est l'autre qui l'inspire comme une image par laquelle elle se laisse habiter pour mieux la déceler.L'énigme de la personnalité se déjoue quelquefois des pinceaux de l'artiste et le portrait n'aboutit guère - déception évidente qui permet une remise en question nécessaire à la progression. La recherche du singulier ne peut se laisser brouiller par trop de subjectivité. Loin de toute caricature, Marina remémore l'importance de la ressemblance comme "service de vérité et d'hommage". Son univers est celui du dynamisme de l'enfance et de la figure humaine, qui reste pour elle le plus fascinant des sujets. Elle reproduit celle-ci avec une étonnante précision et un cadrage horizontal proche de la photographie, mais l'histoire du modèle évoque la vérité du temps de l'acte plastique face à l'instantané du cliché.

 

Sur certains de ces tableaux, l'image s'enrichit des stries du support. Le bois apparaît sous la peinture et enrobe d'une sorte de fragilité le visage ombré. Ces figures mutines émergent de grands aplats colorés comme des souvenirs flottants que le pinceau a souhaité fixer. Il existe pour certaines de ses oeuvres quelque chose d'étrange que Barthes définissait comme "le supplément intraitable de l'identité, la rupture du double subtil qui accompagne la représentation des traits" , et là réside peut-être toute l'essence du portrait.

Article par: Wivine de Traux

Paru dans L'Eventail, Octobre 2004

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